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Apprendre aujourd'hui - quelles métamorphoses en cours? Quels leviers d'action?

20.10.2023
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L’apprentissage tout au long de la vie (Lifelong Learning), slogan consensuel, credo européen, évidence démocratique se trouve aujourd’hui invoqué sur de très nombreux sujets. Les 4 priorités ERASMUS pour l’année 2023 en sont d’ailleurs l’illustration: Inclusion et diversité; Transition numérique; Environnement et lutte contre le changement climatique; Participation à la vie démocratique, valeurs communes et engagement civique. Cela illustre à la fois l’objectif de "promouvoir l’égalité des chances et l’égalité d’accès, l’inclusion, la diversité et l’équité à travers l’ensemble de ses actions". Cela éclaire aussi plus largement la volonté de mobiliser des projets contribuants "à une citoyenneté active et une éthique dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie mais aussi "d’encourager l’acquisition de compétences sociales et interculturelles, l’esprit critique et l’éducation aux médias". Mais au-delà du programme Erasmus, les sujets de formation sont de plus en plus associés à des enjeux sociétaux, collectifs au-delà du seul développement de chaque personne qui en bénéficie.

Cet élargissement des problématiques s’explique sans doute par la multiplicité des tensions, crises, métamorphoses (vocabulaire au choix) que nous vivons collectivement et pas uniquement au niveau européen: imprévisibilité, conflits armés installés, impacts du réchauffement climatique et enjeux des multiples transitions à venir et à anticiper; évolutions du travail, tant dans son contenu, ses formes que la signification qu’il a pour chacun; tensions démocratiques, citoyenneté, usages des réseaux sociaux et influence qu’ils peuvent avoir sur la remise en question de savoirs institués, développement de l’esprit critique, impacts du numérique et des intelligences génératives, accès facilité aux contenus formatifs…. la liste est sans fin…apprendre n’est donc pas uniquement un enjeu individuel pour s’intégrer dans la vie active mais bien plus largement une nécessité afin de pouvoir prendre sa part dans le développement d’un monde commun plus inclusif. Les enjeux de citoyenneté y sont plus que jamais invoqués. Plus largement se former n’est qu’une des modalités pour apprendre compte tenu de ces mutations accélérées: apprendre aujourd’hui serait donc une autre formulation permettant d’appréhender tous ces enjeux. L’institut de l’Unesco pour l’apprentissage tout au long de la vie (Lifelong Learning) le formule ainsi: "L'apprentissage tout au long de la vie est essentiel pour relever les défis mondiaux et atteindre les objectifs de développement durable".

Une fois posés ces enjeux et ces principes généraux, on perçoit la complexité de sujets interdépendants et souvent entremêlés : certains relèvent de conceptions philosophiques, d’autres d’évolutions technologiques; d’autres encore d’usages des ressources et de modalités techniques.

Si on s’accorde sur le fait qu’apprendre aujourd’hui est à la fois une nécessité et un enjeu individuel et collectif, cela ouvre de nombreux questionnements et interroge aussi des conceptions sur ce qu’apprendre veut dire et sur les présupposés et controverses à poser.

Plus largement, l’évolution tant des usages que des technologies (internet, réseaux sociaux, IA génératives) interroge les manières d’apprendre. D’ailleurs les questions d’apprendre aujourd’hui et d’apprendre tout au long de la vie, englobées dans cet article blog sont sans doute à distinguer car ne relevant pas tout à fait des mêmes enjeux.

Cette multiplicité de références à "apprendre" comme levier de développement individuel et collectif suppose d’isoler quelques facettes significatives à discuter.

Nous en proposons quelques-unes ci-dessous, dont nous percevons vite qu’elles ne sont jamais isolables (tout est interdépendant) et qu’elles sont nécessairement sélectives (d’autres questions ou facettes peuvent être explorées et ouvrir d’autres questionnements pertinents). Nous proposons ci-dessous quelques interrogations rencontrées aussi dans le débat public qui peuvent être illustrées ou développées.

Un accès immédiat et illimité aux ressources: quels impacts sur "apprendre"?

Certes, les ressources sont à disposition de tous mais les analyser, les sélectionner, les interpréter, les intégrer est une autre affaire qui nécessite d’autres compétences. D’ailleurs le dernier numéro de Sciences Humaines a pour thème "L’esprit critique est un sport de combat" et on interroge bien évidemment les conditions de développement d’un esprit critique. Et l’arrivée des IA génératives amplifie le débat. L’article de Divina Frau-Meigs intitulé "Face aux artifices de l’IA, comment l’Éducation aux médias peut aider les élèves?" se termine par ces propos. "Pour tout intelligente qu’elle prétende être, l’IA ne peut remplacer la nécessité pour les élèves de développer leur esprit critique et leur propre créativité, de se former et s’informer en maîtrisant leurs sources et ressources".

Multiplicité des sources, enjeux de fiabilité, impacts de diffusion de rumeurs via les réseaux sociaux: l’esprit critique et la nuance se trouvent en conflit permanent face aux dérives de l’influence sociale et de la binarisation. Développer l’esprit critique et la nuance ? Vaste programme pas si simple à mettre en œuvre!

Injonction à se former? "Pour tous et partout": à quelles conditions?

Par ailleurs, si tout le monde s’accorde sur la nécessité d’apprendre tout au long de la vie, qu’en pensent les personnes concernées? Plusieurs publications interrogent ces évidences. Ainsi, l’UC Louvain publie une note en juillet 2023 "L’adulte d’aujourd’hui sommé d’apprendre" qui en dit long sur les impensés du moment.

Cela fait écho à un ouvrage collectif paru en 2023: L’injonction à se former - Nouvel avatar de l’adaptation des individus au marché? dont un des articles insistait également sur l’injonction à se diplômer.

Dans une publication plus ancienne (2017), l’UNESCO interrogeait déjà ces enjeux. On trouve dans la publication "Envisager l’apprentissage tout au long de la vie du point de vue de la justice sociale" la remarque suivante: "Il montre aussi que ces discours convergents s’inscrivent dans la logique de l’économie du savoir, sont dictés par un souci de constitution du capital humain qui répond à l’évolution de la demande du marché mondial du travail, et risquent de négliger les besoins d’apprentissage et les intérêts des communautés locales."

Cela interroge bien évidemment une évidence: l’appétence à se former est aussi une construction sociale et culturelle et on risque de négliger la prise en compte du point de vue des personnes. Sur ce plan, le recours à des approches à la fois pluridisciplinaires mais également interculturelles peut être féconde. Et l’Éducation populaire a développé ce souci de la mobilisation et de la contribution des publics depuis des décennies. On perçoit une revitalisation de ces approches dans de nombreux travaux européens. Car le slogan "pour tous et partout" ne doit pas occulter la réalité. Un certain nombre de publics (appelés NEET, invisibles…) s’affranchissent des propositions des politiques publiques et du monde associatif. Là encore, de très nombreuses initiatives sont développées un peu partout dans le monde.

Se former ou apprendre?

Par ailleurs, une évidence est à rappeler: apprendre ne relève pas uniquement de dispositifs formatifs institués: on développe des compétences dans une multiplicité de situations, plus ou moins formalisées, ayant ou non des objectifs formatifs. Sur ce plan, le développement des notions d’environnement apprenant ou capacitant, et plus largement l’attention portée aux lieux et à des modalités fructueuses en termes d’apprentissage est spectaculaire sur la dernière décennie: ville apprenantes, tiers lieux, Fab Lab, espaces et dispositifs de pair-aidance, la liste est sans fin et source de projets et d’expérimentations passionnantes, plus ou moins spectaculaires, parfois très modestes mais en tout cas inspirantes pour les participants et les observateurs.

La presse spécialisée y est sensible. Le numéro de Philosophie magazine N° 172 paru fin août a pour titre "Et si on apprenait autrement". On y trouve des références à John Dewey, les initiatives du Learning Planet Institute qui se donne pour mission d’explorer, d’expérimenter et de partager des nouvelles manières d’apprendre et de coopérer afin de répondre aux besoins de la jeunesse et de la planète. Cela fait écho à la multiplicité des initiatives qui se développent partout en Europe.

Et tout cela dans un moment où les impacts du réchauffement climatique bouleversent la manière de penser individuellement et collectivement l’avenir. Comment l’apprentissage tout au long de la vie peut sensibiliser à ces urgences? Comment contribuer à une citoyenneté planétaire? Comment encourager les apprenants à devenir, tout au long de la vie, des "Learning Planetizens", aptes à prendre soin de soi, des autres et de la planète. Alors même que les tensions internationales illustrent au quotidien la difficulté à dépasser les enjeux idéologiques, territoriaux et égoïstes.

Par ailleurs, ces enjeux de transitions écologiques sont eux aussi sujets à clarification. S’agit-il uniquement de développer des activités vertes, des métiers verts ou plus largement de trouver des corrélations plus fructueuses entre formation initiale et continue, choix de carrière et impacts sur le monde commun. Des questions vertigineuses à discuter.

Des ingénieries avec des personnes partie prenante

Toutes ces évolutions accélérées amènent à réinterroger les ingénieries pédagogiques et à penser différemment l’articulation savoir, apprenant et formateur. Ces questions ne sont pas nouvelles en soi car elles ont traversé les débats éducatifs tout au long du 20ième siècle notamment (Démocratie et Éducation de John Dewey a été publié en 1916, les pédagogies nouvelles se sont développées depuis la fin du 19ième siècle, quant à l’Éducation populaire ses origines sont encore plus lointaines).

Par contre, ce qui peut paraître inédit, c’est à la fois l’accélération et d’interdépendance des changements en cours. La prise en compte de l’apprenant dans le processus d’apprentissage (classes inversées, projets collectifs, place de l’expérience dans la construction des savoirs) apparaît comme une nécessité à la fois en termes d’efficacité, de mobilisation des publics mais plus largement en termes d’équité d’accès.

Et ce ne sont que quelques facettes des enjeux actuels autour "d’apprendre". Et qui nécessitent plus que jamais de réfléchir, débattre, expérimenter, tirer les leçons des initiatives. Pour cela, parallèlement à cet article, nous lançons sur la plateforme Epale une discussion autour ce thème. Nous pourrons y échanger. Et bien sûr, apprendre mutuellement

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